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C comme Causes de décès au milieu du XXème siècle

Si les causes de décès de nos ancêtres nous sont rarement connues, il est certains registres d'état-civil qui mentionnent ces causes, que ce soit en marge ou dans le corps de l'acte.


L'épidémie de choléra qui a sévi sur toute la France au milieu du XIXème siècle a engendré la mise en place d'observations afin de suivre l'évolution de l'épidémie. Il est plus que probable que les relevés des causes de décès survenus entre les années 1853 et 1857 aient été commandés par les préfets des départements à des fins prophylactiques. En effet, en 1849, une seconde vague de choléra avait touché la France, après la première épidémie de 1832. Au sortir de cette seconde vague, la France allait se doter de plusieurs organismes de Salut public et mettre en place un véritable travail d'étude et de recherche pour lutter contre le choléra.


Et si les annotations en marge des actes ne sont présentes que sur les registres de certaines communes, souvent au crayon, c'est sans doute parce qu'elles n'auraient pas dû figurer dans ces registres. On peut supposer que, si elles y ont été soumises, la plupart des communes ont dû noter ces observations dans un registre à part. Il ne faut pas oublier qu'il était contraire à la loi de 1803 (article 79) de faire figurer la cause du décès dans les actes d'état-civil :

L’acte de décès contiendra les prénoms, nom, âge, profession et domicile de la personne décédée; les prénoms et nom de l’autre époux, si la personne décédée était mariée ou veuve; les prénoms, noms, âge, professions et domiciles des déclarants; et, s’ils sont parent, leur degré de parenté. Le même acte contiendra de plus, autant qu’on pourra le savoir, les prénoms, noms, profession et domicile des père et mère du décédé, et le lieu de sa naissance.


L'article 85 venait d'ailleurs renforcer cette omission dans les cas de mort violente : Dans tous les cas de mort violente, ou dans les prisons et maisons de réclusion, ou d’exécution à mort, il ne sera fait sur les registres aucune mention de ces circonstances, et les actes de décès seront simplement rédigés dans les formes prescrites par l’article 79.


Il serait intéressant de savoir si ces annotations ne figuraient que sur les registres communaux ou également dans les registres du greffe. A cette époque, on peut supposer que les registres n'avaient pas vocation à sortir du sanctuaire communal et que les officiers d'état-civil ne craignaient pas que ces registres soient lus par tout un chacun.


L'épidémie de 1853-1854 en France débuta au mois de septembre 1853 au Havre suite à un débarquement de marins. Depuis l'été 1853, les ports de la mer Baltique et de la mer du Nord étaient contaminés. Mais on considère que c'est à partir de la capitale que s'est véritablement répandue l'épidémie.


Concernant le département du Loiret (45) où nous avons trouvé des registres précisant les causes de décès en 1853 pour les communes de Courtenay et de Montargis, l'arrivée de l'épidémie est minutieusement décrite dans une étude faite par le médecin Charles Huette en 1867.


« Pendant que l'épidémie cholérique sévissait à Paris, du 11 novembre 1853 au 27 juin 1854, l'arrondissement de Montargis jouissait d'une immunité complète. Cet état sanitaire si satisfaisant persista jusqu'au jour où des nourrissons ramenés de Paris apportèrent le germe de la maladie et moururent dans des hameaux isolés, au milieu de populations jusqu'alors épargnées ».


C'est donc par le biais des enfants de l'Assistance de Paris envoyés dans les campagnes que s'est propagé le choléra dans nos départements. Les écrits du Docteur Huette (1) sont si éloquents que je n'ai pas jugé juste de les rogner et c'est dans leur intégralité que je les livre : ils sont le reflet-même de ce que l'on souhaite parvenir à retracer, d'un point de vue généalogique, pour nos ancêtres. Seule la dureté des faits nuance mes propos.


S'ensuivent d'autres cas de contaminations dans les communes de Saint-Maurice-sur-Fessard, Chatenoy et Chevillon (pour les années 1853-1854) et Sainte-Geneviève-des-Bois, Douchy, Lorris , Courtenay et Melleroy (pour l'épidémie de 1865-1866), ainsi qu'une carte indicative de la propagation du choléra en 1854 dans l'arrondissement de Montargis.


Je ne saurais que renvoyer les personnes intéressées vers le document original numérisé par la Bnf sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5425348x.texteImage


Pour en revenir à nos registres, celui des décès de Montargis pour l'année 1853 permet très nettement de déterminer l'arrivée du choléra au sein de la population. La première mention de décès liés au choléra, notée en marge par les lettres « ch », apparaît à la date du 24 juillet avec deux cas, celui de Madeleine GUYON, une veuve de 66 ans domiciliée impasse du Patin et celui de la femme Anne Joséphine DESLANDES, âgée de 48 ans et domiciliée au n°48 rue Dorée.

Le troisième décès survient le lendemain, avec la mort de Lambert Loux âgé de six ans. Et jusqu'à la fin du mois, chaque jour apportait un nouveau décès lié au choléra. Par la suite, le nombre de cas augmente et l'on compte jusqu'à cinq décès par jour (en dehors des autres causes) enregistrés le 24 août. Je n'ai pas poursuivi l'étude du registre dans son intégralité mais on peut noter également, grâce à ces annotations, que les enfants de Montargis eurent aussi à subir une épidémie de rougeole entre la mi-juin et la fin août de la même année (au moins 22 cas recensés).


acte d'état-civil d'une enfant décédé suite à la rougeole en 1853
Cas de décès survenu à Montargis suite à un cas de rougeole le 16 juin 1853 (@ AD Loiret)

Ces recherches m'ont amenée à découvrir le dévouement exceptionnel du curé Bouloy (1821-1853), de la paroisse d'Oussoy mentionnée plus haut dans les écrits du Dr Huette. Son courage et son abnégation furent tels que le maire de la commune demanda qu'on lui rende hommage, appuyé par un notable auprès du ministère. En 1856, l’État commanda alors un tableau au peintre Michel Dumas (1812-1886) pour célébrer le sacrifice du curé qui fut lui-même emporté par le choléra le 31 juillet 1854.


Un des derniers actes de dévouement de l'abbé Bouloy pendant le choléra en 1854. Peinture de Michel Dumas (1856), Musée Girodet, Montargis. Photographie R.Brun (notice et tableau extraits de Opinel Annick. Du choléra morbus et de ses représentations dans la peinture du XIXe siècle. In: Histoire de l'art, N°46, 2000. Iconographie. pp. 67-76.)

La lettre reproduite ci-après(2), écrite par le curé Bouloy la veille de son décès, témoigne non seulement de sa bonté, mais nous donne aussi un aperçu de la terreur et de la détresse des gens devant l'épidémie.


Pour conclure cet article, j'écrirais que, si certains ont des ancêtres disparus entre 1853 et 1857, ils auront peut-être la chance – ou le regret – d'apprendre la cause de leur décès dans un registre, ce qui n'est pas chose courante.


Dans notre quête de savoir comment sont morts nos ascendants, il est bon de retracer l’environnement le plus complet possible afin de cerner cette cause. Vivaient-ils à l'époque d'une épidémie ? Y a-t-il eu une catastrophe à leur époque, dans leur région … ?


Les questions que l'on peut se poser sont nombreuses pour tenter d'approcher la vérité. Et la presse s’avérera un atout précieux.





(1)Huette, Charles (Dr). Auteur du texte. Recherches sur l'importation, la transmission et la propagation du choléra en province par les nourrissons de Paris et sur les moyens propres à en empêcher la transmission : (Observations recueillies dans l'arrondissement de Montargis en 1854, 1865-1866.) / Par le Dr Huette,.... 1867.


(2)Lettre extraite des écrits du Dr Huette.

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