Paul Maurice Auguste BLOT est né le 25 octobre 1884 à Cherreau, dans la Sarthe. Entre 1904 et 1914, il exerce des petits métiers mal payés et éreintants. Il sera tour à tour charretier, ouvrier agricole puis terrassier.
En 1914, comme chaque jeune gens, il doit obéir à l'ordre de mobilisation générale. Le 20 novembre, il rejoint le 103ème régiment d'infanterie à Alençon. Paul passera ainsi Noël au front en pensant très certainement à sa famille. Au moins, il n'y aura pas de bombardement ce jour-là...
Après avoir survécu à la guerre, Paul est démobilisé le 1er février 1919. Il se retire avec sa famille à Mamers où il devient chauffeur à l'usine à gaz jusqu'en 1921. Une fois encore c'est un emploi difficile et qui rapporte peu.
En 1926, conséquence de l’octroi du repos hebdomadaire en vigueur depuis 1919, les Postes & Télégraphes proposent de nouvelles embauches. Paul devient alors courrier intérimaire. Ce n'est qu'après 1936 qu'il est nommé facteur des PTT. Mais la réalité économique du facteur rural n'était guère plus enviable. Voici ce qu'écrit Sébastien Richez, dans une étude consacrée au facteur rural avant 1914 :
Jusqu’à ce que le salaire fixe ne supplante progressivement le salaire kilométrique à partir des années 1890 dans la base du traitement du facteur rural, celui-ci n’a pas d’autre choix que celui de beaucoup marcher pour gagner sa vie au mieux. C’est donc à la longueur de sa tournée qu’il doit le montant de son salaire, qui dans son ensemble n’apparaît pas très élevé, si on s’en tient à la stricte comparaison des gains quotidiens des facteurs ruraux avec ceux d’autres professions. Sur le plan national, Stephen Liégeard, député de la Moselle, fait remarquer à la tribune en 1868 que le facteur rural est moins bien payé avec ses 1,52 F quotidiens qu’un terrassier ou un employé d’usine qualifié : le premier émarge en effet à 2 F par jour, et le second à 5 F. À la suite de son plaidoyer en faveur d’une revalorisation de leurs émoluments, le Corps Législatif vote l’amendement accordant une augmentation de 120 F par an du salaire des facteurs. D’autres déclarations contemporaines dépeignent une position de crise persistante. En 1866, Edouard Vandal, directeur général des Postes de 1861 à 1870, évalue le traitement moyen annuel des facteurs ruraux à 530 F, contre 480 F en 1858, et insiste sur « son insuffisance qui ne répondait plus aux premiers besoins de la vie ». En 1877, son successeur de 1873 à 1878, Léon Riant, se félicitant d’une augmentation à 656 F, estime encore « qu’il [est] matériellement impossible à un homme de subvenir aux besoins de son existence » avec cette somme. Même le complément que représentait la haute paye, sorte de prime à l’ancienneté instaurée sous la Seconde République (1851) pour atténuer certaines inégalités et arrondir le traitement global, apparaît insuffisant.
Plus loin, il ajoute :
« un facteur rural, entré à l’âge de vingt ans dans l’administration des Postes, accomplissait jusqu’à l’âge réglementaire où il était en droit de réclamer sa pension de retraite (cinquante-cinq ans) un trajet qui devait être évalué autour de 383 000 km.
A partir du début des années 1890 : les pionniers dans l’emploi de la bicyclette ne se la procurent qu’à leurs frais, la Poste ne faisant alors que tolérer son emploi. Ce n’est qu’en 1909 que leur est accordée une indemnité vélocipédique, devant l’évident constat du gain de rapidité que le vélo avait introduit dans de nombreuses tournées où son usage était possible.
En 1879, Le Petit Journal détaille la condition sociale du facteur rural, en prenant l’exemple d’un homme qui parcourt quotidiennement 40 km et gagne un salaire annuel de 740 F. Une fois retirés la cotisation pour la retraite (acquise depuis 1853), ses frais professionnels pour son équipement ou les soins médicaux (frais à la charge de l’administration pour les facteurs urbains à Paris) et les dépenses inhérentes au logement, le journaliste calcule qu’il ne reste au facteur que 0,52 F par jour, si on prend en compte les étrennes. Il conclut que, même célibataire, un facteur rural ne peut parvenir que très difficilement à vivre avec cette somme, d’autant que la nourriture ordinaire et son propre habillement sont à ses frais. Thomas Grimm – c’est le nom du journaliste – poursuit l’argumentation en insistant sur les origines traditionnelles du facteur rural : « Rarement il était célibataire. Il était presque toujours, au contraire, marié et père de famille. Souvent un ancien militaire à qui cette place de facteur a été donnée en considération de ses bons services, il était toujours un honnête homme, c’est pour cela qu’il s’usait à la peine et gémissait sur les siens, plutôt que de détourner un centime des valeurs qu’on lui confie ».1
Paul est marié. Veuf, il a eu des enfants avec sa première femme. Sa seconde épouse, Juliette, veuve de guerre, en a également. Et de leur union va naître un huitième enfant. Juliette était autrefois journalière mais en 1936 elle ne travaille plus.
Ces constatations nous permettent de comprendre pourquoi, en 1953, Paul et Juliette sont allocataires d'une pension alimentaire versée par cinq de leurs enfants et par l'un de leur beau-fils. A cette époque, le soutien de famille n'est pas une obligation, trois de leurs enfants vont s'y refuser.
Le 9 août 1957, Paul décède à son domicile. Deux ans plus tard, Juliette le suit. Ils étaient alors âgés lui de 72 ans et elle de 66 ans.
Paul Maurice Auguste BLOT et Juliette Pascaline Victorine FAUVEAU
1 RICHEZ Sébastien, « Le facteur rural des postes en France avant 1914 : un nouveau médiateur au travail », Le Mouvement Social, 2007/1 (no 218), p. 29-44. DOI : 10.3917/lms.218.0029. URL : https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social1-2007-1-page-29.htm
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