La Bretagne est un pays de légendes. Une terre chargée d'histoires contant des êtres féeriques et surnaturels.
Qui ne connaît pas la forêt de Brocéliande et l'histoire de Merlin l'enchanteur ? Le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde ? Ou encore le personnage de l'Ankou ?
Mais si, pour nous, tous ne sont que des personnages légendaires, il ne faut pas oublier que nos ancêtres, eux, ont cru à leurs histoires. Ils ont baigné, dès leur plus jeune âge, dans les traditions et les récits contés au coin de l'âtre par les anciens, dignes de foi.
N'ont-ils pas vu, ces anciens, quelque fée au détour d'un chemin forestier ?
N'ont-ils pas hâté le pas, par un soir de pleine lune, alors qu'ils marchaient dans la lande pour rentrer chez eux, afin de ne pas tomber nez à nez avec les Korrigans ?
Nombreux furent mes ancêtres à habiter les terres de Bretagne, à fouler des chemins qui serpentaient non loin des innombrables mégalithes qui couvrent la région.
François VALY (1757-1797) et Jeanne LE SCODAN (1753-1823) habitaient à Lande du Cerf, du côté de Cléguérec, dans le Morbihan. Il y avait dans ce hameau un alignement de trois menhirs, vestiges d'un passé oublié. Et nul doute que François et Jeanne, comme leurs parents, ont entendu parler des Korrigans, ces petits êtres surnaturels, sorte de gnomes malicieux et espiègles. Il fallait s'en méfier car leur gentillesse pouvait aussi se transformer en méchanceté féroce.
Menhirs et dolmens étaient des lieux privilégiés par ces petits lutins qui venaient danser autour les soirs de pleine lune. Leurs folles rondes duraient jusqu'au bout de la nuit et gare à celui qui s'y laissait entraîner. On raconte que plus d'un s'y est laissé prendre et qu'il en est mort d'épuisement...
Non loin de Lande du cerf se trouvait l'allée couverte de Bod er Mohet.
Cette allée monumentale, longue de 18 mètres était abritée par cinq dalles de pierre et formait six compartiments. Elle avait forcément attiré la curiosité des premiers de mes ascendants arrivés à Cléguérec. Par la suite, elle avait dû faire partie du paysage. Elle avait toujours été là, tout simplement. Et si l'on n'en connaissait pas l'origine, l'édifice avait dû servir à des rites païens auxquels peut-être ils avaient pris part. A moins que la peur ou bien la foi en autre chose ne les ait plutôt encouragés à se détourner de ces lieux magiques.
Après tout, ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle également « Campren-en-Torrigen » (littéralement, la « chambre des korrigans). On la connaît aussi sous les noms de Grotte aux Fées ou chambre des Nains.
Cléguérec abritait d'autres mégalithes, comme le Menhir du Berger de la Madeleine ou les Menhirs du Breuil-du-Chêne.
Mais n'oublions pas que toute la Bretagne est parsemée de ces pierres dressées. Les légendes sur les korrigans s'étendaient bien au-delà des limites du Morbihan. Ainsi, du côté du Pouliguen, en Loire-Atlantique, on prétendait que la Grotte des korrigans abritait un souterrain qui se prolongeait jusqu'à Guérande. On disait aussi que l'un de ces lutins s'y cachait et faisait disparaître toute personne assez téméraire pour pénétrer dans son domaine.
A Landévant, on trouve encore le Dolmen de la grotte des Korrigans, dans la lande de Bolédat, et, au nord de Carnac, le site de Mane-Kerioned, qui signifie la Butte aux korrigans.
Dans la Bretagne profonde, les récits sur le « petit peuple » étaient légions et chacun savait qu'il fallait éviter les ronds de sorcière car ils étaient l'œuvre de korrigans endiablés.
Combien d'autres croyances ont pu influencer la vie de mes ancêtres ? Craignaient-ils l'Ankou ou bien était-ce un personnage qui n'effrayait plus que les enfants ? Ont-ils un jour frissonné de peur de rencontrer une lavandière de la nuit ?
Collin de Plancy, écrivain et occultiste du XIXème siècle, nous décrit ces croyances bretonnes avant 1863 : « En Bretagne, des femmes blanches, qu’on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de lune, dans les fontaines écartées. Ensuite, elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent les bras à qui les aide de mauvaise grâce. »
A la même époque, George Sand, les décrivaient comme des mères maudites pour avoir tué leurs enfants.
Cette légende, comme tant d'autres, existait bien au-delà des frontières de la Bretagne.
Nos ancêtres n'étaient pas plus crédules que nous ; nous avons tous des croyances qui guident nos pas ou influencent nos vies. Au fond, seule leur nature diffère par rapport à celles de nos prédécesseurs.
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